Le PS obtient la majorité absolue seul, l’UMP subit un gros revers, le FN envoie deux élus à l’Assemblée… Ce qu’il faut retenir du second tour des élections législatives, qui a eu lieu dimanche 17 juin.
1/ La gauche majoritaire, majorité absolue pour le PS seul
Avec 346 sièges, contre 226 pour la droite parlementaire, la gauche obtient une confortable majorité à l’Assemblée, qui se situe dans la fourchette haute des précisions de premier tour.
Mais c’est surtout au sein de ce groupe de gauche que se situe la – relative – surprise du second tour : le PS obtiendrait finalement seul la majorité absolue, avec 300 sièges, soit 11 de plus que le nécessaire. En ajoutant les partis associés que sont le MRC et le PRG, cette majorité se monte à 315 sièges pour les socialistes, qui n’auront pas à composer avec leurs alliés de gauche, parfois turbulents, pour gouverner.
Malgré ce bon résultat, la gauche n’obtient toutefois pas assez de voix pour totaliser 3/5e des sièges au Congrès (Assemblée et Sénat réunis), nécessaires pour pouvoir faire adopter des réformes constitutionnelles, comme par exemple le droit de vote des étrangers aux élections locales. Au Sénat, la gauche détient 177 sièges ; il lui fallait obtenir 378 sièges à l’Assemblée (pour atteindre 555 parlementaires).
2/ Hécatombe de personnalités à droite
L’UMP voulait limiter la casse. Le parti dirigé par Jean-François Copé subit un gros revers. De nombreuses personnalités UMP sont battues, dont plusieurs sarkozystes, notamment ceux qui se sont engagés dans la campagne de Nicolas Sarkozy. Parmi eux, l’ancien ministre de l’intérieur, Claude Guéant, s’est incliné à la surprise générale face au dissident UMP, Thierry Solère dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine où il était parachuté. L’ancienne ministre Nadine Morano, qui avait lancé un appel aux électeurs FN dans l’entre-deux-tours, a également été battue en Meurthe-et-Moselle. Valérie Rosso-Debord et Guillaume Peltier, très actifs pendant la campagne présidentielle, ont connu le même sort. Deux autres échecs de poids sont à signaler dans les rangs de l’UMP : celui de l’ancienne ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, ou encore du secrétaire général adjoint de l’UMP, Hervé Novelli. A l’UMP, une des seules bonnes nouvelles de la soirée vient du côté d’Henri Guaino. L’ex-plume de Nicolas Sarkozy gagne son siège à l’Assemblée.
3/ Le FN envoie deux élus à l’Assemblée
On avait évoqué jusqu’à une centaine de triangulaires. Au final, le FN n’a pu en provoquer qu’une vingtaine, et il n’a réussi à envoyer que deux élus à l’Assemblée, pour la première fois depuis 1997 : Marion Maréchal-Le Pen, élue à Carpentras, et qui devrait, à 22 ans, devenir la benjamine de l’Assemblée ; et l’avocat Gilbert Collard, soutien récent de Marine Le Pen, élu dans le Gard. On peut ajouter à ces deux élus le maire d’Orange, Jacques Bompard, même s’il n’est pas membre du FN mais de son propre parti, la Ligue du Sud. Marine Le Pen, qui a frôlé l’élection à Hénin-Beaumont et conteste le résultat au vu du faible écart (118 voix) qui la sépare du socialiste Philippe Kemel, a souligné les « scores spectaculaires » obtenus par sa formation. La candidate FN, qui avait présenté une « liste noire » de huit candidats à faire battre, peut se féliciter d’être parvenue à en faire éliminer la moitié, dont Jack Lang dans les Vosges.
4/ Les écologistes réussissent leur pari
Au sein de la gauche, l’hégémonie du PS ne sera pas disputée. Grand gagnant de l’accord conclu avec les socialistes avant la campagne présidentielle, les écologistes d’EELV ont pu obtenir, malgré leur faible score de la présidentielle, 18 sièges, largement de quoi composer un groupe parlementaire (le seuil est à 15 sièges). Soit 14 députés de plus que lors de la dernière législature. Sur les 18 députés élus, seuls 17 siégeront car Cécile Duflot – ministre du logement et secrétaire nationale d’EELV -, élue députée de Paris, laissera son siège à sa suppléante, Danièle Hoffman-Rispal, sortante PS.Seul bémol pour EELV : le PS disposant de la majorité absolue sans les écologistes, ces derniers devraient peiner à peser sur la majorité.
5/ Royal est nettement battue à La Rochelle, Lang perd dans les Vosges
Ségolène Royal et Jack Lang, deux figures du Parti socialiste qui avaient montré leur intérêt pour la présidence de l’Assemblée nationale, ont été les grandes perdants à gauche de ce deuxième tour. Dans la première circonscription de Charente-Maritime, Ségolène Royal, l’ancienne candidate PS à l’élection présidentielle de 2007, a été battue par le dissident socialiste Olivier Falorni qui l’a emporté avec 62,97 % des suffrages. « Le résultat de ce soir est le résultat d’une trahison politique », a déclaré la présidente de la région Poitou-Charentes, accusant son adversaire d’être un « député de droite ».
Dans la soirée, la question de la réintégration d’Olivier Falorni a déjà suscité des déclarations divergentes au sein du parti. « Je serai dans l’Hémicycle du côté gauche », a réagi le vainqueur après la déclaration de Martine Aubry, estimant qu’il avait été « élu avec les voix de la droite et de l’extrême droite ».
Dans la 2e circonscription des Vosges, Jack Lang, député sortant du Pas-de-Calais, n’a recueilli que 49,12 % des suffrages face au député UMP sortant, Gérard Cherpion. Interrogé sur BFMTV, l’ancien ministre de la culture a jugé comme « une forme d’honneur » d’avoir été « black-listé » par Mme Le Pen, qui avait appelé à le faire battre, mais comme un « grand malheur pour le département des Vosges que d’être montré du doigt ».
6/ L’échec de Bayrou signe celui du MoDem
Il avait prévenu dès le premier tour que ce serait difficile. De fait, après quinze années à l’Assemblée, François Bayrou s’est incliné, en triangulaire, face à l’UMP Eric Saubatte et à la socialiste Nathalie Chabanne. Avec cette défaite, qui succède à sa contre-performance de la présidentielle (9,1 %), le revers est sévère pour François Bayrou.
Il l’est aussi pour son mouvement, le MoDem, qui ne comptait jusqu’ici que trois élus, et qui en perd donc un, en la personne de M. Bayrou . « Ce choix va m’entraîner à changer la forme de mon engagement », a reconnu l’ancien candidat, qui n’entend pas pour autant cesser son activité politique nationale.
7/ Le Front de gauche à la peine
Le Front de gauche subit un revers. Avec 10 élus seulement (9 communistes et un Parti de gauche), le groupe perd neuf députés par rapport à 2007. Le groupe comptait en effet 16 élus communistes et apparentés et 3 élus du Parti de gauche. Pour constituer un groupe à l’Assemblée, le Front de gauche devra se rapprocher de députés d’outre-mer, notamment des deux députés du Mouvement indépendantiste martiniquais et d’élus divers gauche.
Dès dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon, ancien candidat à la présidentielle, battu dès le premier tour face à Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, a demandé que l’Assemblée abaisse le seuil de députés pour constituer un groupe.
8/ La Droite populaire perd la moitié de ses membres
L’aile la plus à droite de l’ancienne majorité paye un lourd tribut à ces élections législatives. Ses membres semblent ne pas profiter du fait que les thèmes qui leur sont chers – l’immigration notamment – aient été au cœur du débat lors des campagnes présidentielles et législatives. Sur les quelques 41 membres du collectif, 21 ont été battus. Si Lionnel Luca et Jacques Myard ont été confortablement élus, respectivement dans les Alpes-Maritimes et les Yvelines, d’autres membres emblématiques de ce groupe n’ont pu conserver leur mandat. C’est notamment le cas d’Eric Raoult en Seine-Saint-Denis ou de Maryse Joissains-Massini, la maire d’Aix-en-Provence qui s’était illustrée en jugeant « illégitime » l’élection de François Hollande. Quant à Christian Vanneste, le député du Nord qui n’avait pas eu l’investiture de son parti après une déclaration jugée homophobe, il n’a pas passé le premier tour.
9/ Les ministres du gouvernement tous réélus
Jean-Marc Ayrault avait prévenu : tout ministre battu aux législatives devrait quitter son poste. Ce cas figure ne se présentera pas : les 25 membres du gouvernement qui étaient candidats ont été élus ou réélus. Six d’entre eux avaient été élus au premier tour. Quant aux 19 autres, la tâche était plus ou moins ardue.
L’élection la plus difficile était celle de Marie-Arlette Carlotti, candidate dans la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône face à l’UMP Renaud Muselier, et qui a finalement été élue. La décision de M. Ayrault de demander la démission des ministres battus avait provoqué le retrait de Najat Vallaud-Belkacem et de Christiane Taubira des campagnes dans lesquelles elles s’étaient lancées.
10/ La gauche crée la surprise chez les Français de l’étranger
Malgré un découpage réalisé et présenté par l’opposition comme favorable à la droite, la gauche l’emporte dans les circonscriptions des députés représentant les Français de l’étranger, selon des résultats quasi-définitifs. Huit députés sont élus, dont un écologiste, contre trois seulement pour l’UMP. La gauche améliore son score du premier tour, où elle était en tête dans sept circonscriptions.
Alors que l’UMP espérait gagner « de manière raisonnable » cinq circonscriptions, elle n’en remporte que trois. Les anciens ministres Frédéric Lefebvre et Marie-Anne Montchamp échouent, contrairement à Thierry Mariani, qui remporte la 11e circonscription, qui regroupe l’Asie et l’Océanie. L’ancien magistrat antiterroriste Alain Marsaud est élu dans la 10e circonscription. Parmi les nouveaux élus, Pouria Amirshahi gagne la circonscription de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Sergio Coronado (EELV), qui a codirigé la campagne présidentielle d’Eva Joly, remporte la circonscription de l’Amérique du Sud.